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  • : AMERZONE
  • : Ce blog réunit mes écrits depuis des années sur divers sujets : actualité, politique, fascisme, religion, sexe, amitié, sous forme de pamphlets, d' articles, de nouvelles et de poèmes. Il est mis à jour régulièrement. Bon voyage dans mon univers !
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Fonds musicaux

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17 décembre 2006 7 17 /12 /décembre /2006 15:01
 
Les lumières s'éteignent. Clameur.
Doucement, dans le noir, la musique pleure.
Regards brillants vers la scène,
à la recherche de THIEFAINE.
 
Il est là debout, sous les feux des projecteurs
gueulant sa souffrance, nos désirs et nos peurs;
regard posé sur un futur trop frêle,
sur tellement d'espoirs qu'on en crève.
 
Çà et là, des petites flammes s'allument;
de main en main, des joints circulent;
lâche pas le bout bébé ...
doucement ... on amorce la montée.
 
L'ancien amant de madame Muller
vient de disjoncter, le regard défait;
Au rythme des blues et des mélopées
tanguent des corps jeunes et fiers.
 
Devant la scène, petites, douces et cool,
Carole et Maryline tiraillées par la foule
recherchent le regard d'un Hubert-Félix transi,
qui trimbale des lambeaux de nostalgie.
 
Il est de ces héros solitaires de tous les jours
chevauchant les licornes de nos rêves,
naviguant entre la folie et l'amour
à travers des poésies où le sang coule en sève.
 
 
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17 décembre 2006 7 17 /12 /décembre /2006 14:59
  
Un jour, un train,
il y a quelques mois;
toi et moi
deux destins
qui se croisent
et qui y croient ...
... six mois !
e
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17 décembre 2006 7 17 /12 /décembre /2006 14:59
 
Des territoires occupés
un peuple s'est levé
ne voulant pas se faire submerger
par des colons aux dents acérées.
 
Coiffé d'un keffieh, les pieds nus,
l'enfant s'avance au milieu des ses frères;
visages déformés par la tristesse et la colère,
tous orphelins de la paix qu'ils n'ont jamais connue.
 
Ces cailloux aux creux de leurs mains,
jetés comme à la foire sur des pantins,
c'est des morceaux de leur terre qu'ils tiennent;
armes dérisoires face aux balles israéliennes.
 
De nos jours, David a changé de camp
et Goliath est juif à présent.
C'est toi maintenant petit palestinien,
qui serre l'espoir dans ta main.
 
Aujourd'hui, depuis l'intifada, le soulèvement,
sont morts prés de mille adolescents,
avec dans les yeux la volonté et l'espoir en demain,
de pouvoir libérer leur sol du joug israélien.
 
Tu vivras Palestine, tant qu'il y aura des hommes comme tes enfants;
mais est-ce bien utile de les envoyer si jeunes verser leur sang
face à ces nouveaux tortionnaires qui n'ont rien à envier
à leurs anciens bourreaux nazis, après les avoir tant décriés.
 
 
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17 décembre 2006 7 17 /12 /décembre /2006 14:55
Barbituriques ou revolver Massika ? Je ne sais comment tout cela finira. Cela dépendra de ma journée. Ce sera tout ou rien.
Partir tranquillement ou dans un baroud d’honneur, l’un ou l’autre ... tu sais que je n’aime pas les compromis.
Ce jour-là, tu auras déjà ouvert depuis quelques mois ton troisième centre d’astrologie, Karin aura trouvé son coin de Patagonie, Jean-Michel sortira son deuxième album C.D., Clémentine aura son quatrième gosse après Pat, Maïte et Tainny, ma petite souris entrera au ministère des affaires sociales, et Dame organisera un défilé de mode au Louvre pour le vernissage des oeuvres de Diop, après avoir assisté dans la journée à la remise de la Légion d’honneur à Ludivine par Jean-Loup SIEFF, le nouveau ministre de la culture.
Ce jour-là, il fera malgré tout encore plus gris dans ma vie. Gris et beau. Gris et beau comme une chanson de LEOTARD ou un texte de BOHRINGER.
 
 
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17 décembre 2006 7 17 /12 /décembre /2006 14:52
  
J'aimerais larguer les amarres,
partir au loin, sans espoirs.
Trouver un ailleurs
qui serait peut-être meilleur.
 
Mais pourquoi ? au loin c'est comme ici;
car ils sont d'ailleurs nos amis.
Comme la guerre, l'amitié est partout,
comme eux, d'Argentine et du Pérou.
 
Entre la flûte de pan et le vin rosé,
au milieu des rires de Bertrand et de sa femme,
ceux de Yoël, Karin, et Marie-Jeanne,
passent les soirées de ce début d'été .
 
Autour de la table ou l'on a mangé la feijoda
quand vient le moment de frapper la tequila,
on écorche alors un peu quelques chansons,
de BREL et de BRASSENS, reprises à l'unisson.
 
L'autre soir, nous parlions de Jorque et d'Enriqué;
et quand Badia chantait,
elle nous entraînait dans les textes de son frère
dans lesquels, sous la provocation et l'émotion, pointe la colère.
 
Lève ton verre ami,
lève ton verre à cet instant qui nous réunit;
et si demain la vie me sépare de toi,
lève ton verre à la mort qui nous réunira.
 
 
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17 décembre 2006 7 17 /12 /décembre /2006 14:47
*** Le texte qui suit, tend à démontrer au lecteur qui se poserait encore des questions quand au caractère irrécupérable de l'auteur, qu'il ne s'est pas trompé sur ce dernier. ***
 
Je suis arrivé au monde en criant, en protestant - déjà ! diront certains - soulevé par les pieds par un type qui m'avait assené de grandes claques sur les fesses. Quelques semaines plus tard, allongé dans le plus simple appareil sur une peau de mouton, j'attendais dans un studio photo l'envol hypothétique du petit oiseau promis par le photographe ... en vain.
Ainsi, en deux mois à peine après ma naissance, j'avais déjà été confronté à la violence et au mensonge ... Traumatisant non ?
 
  
 
Quelques années plus tard, j'avais assisté au cinéma, à "La guerre des boutons", le film d'Yves ROBERT.
 
J'ai bien l'impression que dans quelques années l'on assistera à une autre guerre des boutons. Mais ce ne sera pas la même et cela sera sûrement la dernière.
 
Comme le disait BARJAVEL : "Un adulte est un enfant qui a commencé à pourrir." Les "petits enfants" d'Yves ROBERT ont continué à grandir, n'ont rien renié de leurs jeux et ont trouvé d'autres moyens pour élargir leur territoire. HIROSHIMA et NAGASAKI nous en ont donné l'exemple: on commence par appuyer sur un bouton, et cela se termine par ... des pustules.
 
 
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17 décembre 2006 7 17 /12 /décembre /2006 14:36
 
Comme GOETHE, au seuil de la mort,
quand l'ombre de celle-ci
prend possession des corps,
on en appelle à la lumière.
Trop tard.
CERBERE est là,
à la porte de l'enfer
qui attend.
Saint PIERRE lui aussi,
à la porte du paradis
qui attend, en face.
Pile ou face ?
Le purgatoire, c'est fait ...
c'était sur terre;
on a assez donné.
Maintenant c'est tout ou rien !
Mais pourquoi choisir le bien
si on peut choisir le mieux ?
Allons allons, mon gars.
Çà y est; tu le sais maintenant
que le choix est restreint
et qu'il se fait d'après les critères chrétiens.
Réfléchissons.
Prenons deux personnes opposées.
Si Jerry Lee LEWIS "The killer"
et son cousin le prédicateur
Jimmy SWAGGART étaient morts,
d'après les critères cathos,
ce dernier aurait plus de chances
d'avoir son billet pour la porte de Saint PIERRE.
Donc Jerry LEE se retrouverait en enfer.
Bon, prenons ceux qui sont morts;
d'abord ceux qui sont censés être "bons":
TORQUEMADA, exterminateur de l'inquisition
au nom de la sainte église catholique.
Curés exterminateurs des Celtes,
responsables de la décapitation de 4500 saxons à Verden,
juste parcequ'ils ne voulaient pas devenir chrétiens.
GHANDI qui a poussé à l'extermination passive des milliers
et des milliers d'hindous au non de l'amour et de la non-violence.
HITLER dont les soldats avaient sur leur ceinturon
l'inscription: "Dieu est avec nous".
Plus quelques types du KU-KLUX-KLAN.
Il en a des potes Dieu!
Et Jeanne D'ARC depuis canonisée,
est-elle réconciliée avec l'évêque COCHON,
sur un petit nuage, autour du barbecue de l'amitié?
Voyons maintenant les "méchants":
L'anglais COMDOM, inventeur du préservatif,
dont l'usage est condamné par l'église.
Elvis PRESLEY aux déhanchements sataniques.
L'empereur HADRIEN, Von-STERNBERG, RIMBAUD,
GALILEE qui a eu tort d'avoir raison trop tôt;
et si GAINSBOURG y est, son briquet à la main,
Dieu n'aura-t-il quand même pas besoin de lui
pour allumer son havane?
Ce serai drôle çà, Dieu en enfer!
Après tout, s'il est partout,
pourquoi pas là aussi?
Et ce diable de DALI,
où pensez-vous qu'il soit assis?
Au paradis,
à coté de la vierge?
En enfer,
le cul sur une fourmilière?
Allons, allons!
Comme le dit GU mon pote,
soyons rock!
D'ailleurs mon choix est fait,
depuis que j'étais petit,
quand j'y croyais encore.
J'avais choisi la voie de l'enfer,
quand je quittais la messe avant la fin,
le dimanche midi, cela pour ne pas rater
le début de la fabuleuse aventure du rock’n’roll :
un spécial Gene VINCENT.
Ce jour-là, je me suis fait engueuler.
Tout cela au nom de Dieu ?
Ah, nom de Dieu !
 
 
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17 décembre 2006 7 17 /12 /décembre /2006 14:31
  
Karine
ma petite souris,
qui vit,
qui vibre;
j'aimerais pouvoir dire
à ceux qui n'ont rien compris,
à ceux qui t'ont perdue,
combien dès le premier jour,
ton charme et ta douceur,
enveloppent mon coeur
d'une affection,
d'un attachement,
où se mêlent à présent
tendresse et volupté;
et d'une amitié
qui ne s'éteindra jamais.
 
 
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17 décembre 2006 7 17 /12 /décembre /2006 14:29
Ici, les champs descendent en collines jusqu'à la mer; les chemins serpentent entre les haies.
A cette pointe de la Normandie, tout ici, respire la sérénité.
Il y a les pierres des petits murets qui séparent les champs de blé; l'herbe, la mer qui joue avec le ciel, il y a une âme dans cette harmonie.
Ici, dans ce coin du bout du monde, il y a Herquemoulin, ou plutôt, "Helguemoulin" comme on appelait ce lieu il y a quelques siècles, quand mes ancêtres étaient païens; car c'est bien vrai que cet endroit est béni des dieux.
Ici, le temps semble s'être arrêté.
Quand la rosée du matin met la mer à plein, les vagues se fracassent sur les rochers, et sous la brise, frissonnent les blés.
Des grappes de nuages en coton blanc se baladent dans le ciel, tranquillement.
 
Et les paysans et les marins d'ici qui se rient du crachin qui tombe sur leurs visages rougeauds, vivent au rythme de la pluie et du beau temps qui leur apportent, des saisons, parfois la désolation, mais aussi les moissons.
 
As-tu d'jà bu une moque au t'chu du tounné ?
As-tu d'jà senti l'odeu' du fourrage en été ?
As-tu d'jà vu rire ces gens aux visages burinés ?
 
Hé ben dis-té mon gars
que si t'as jamais vu cha
et qu'en plus que si t'es d'ichin,
ben ma fé d'eu ...
tu vaux pas bi mus qu'un horsain !
 
 
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17 décembre 2006 7 17 /12 /décembre /2006 14:25
1997. QUELQUE PART EN BORISVIANIE ...
 
Le square était presque désert. C'était vers les cinq heures, un après-midi d'automne comme les autres, si ce n'était que cette année-là, la neige s'était mise à tomber plus tard dans la saison.
Les flocons, d'une belle couleur verte feuilletée, tombaient doucement en lanières inégales sur la petite place. Les enfants qui jouaient, essayaient de les retenir pour les collectionner, mais, dès qu'ils touchaient le sol, les flocons s'enflammaient aussitôt dans un crépitement d'étincelles laissant parterre une traînée verte.
Un vieil homme marchait lentement, les mains enfouies dans les poches de son manteau. A une cinquantaine de mètres de là, au kiosque à journaux, il vit un garçon d'une dizaine d'années s'arrêter quelques instants. Celui-ci, feuilletant un magazine, se mit soudain à courir en le serrant sur sa poitrine.
Aussitôt, le marchand sorti comme un fou, et se mit à poursuivre le gamin.
 
"Hé là toi, voyou, rends-moi çà! Au voleur!"
 
Le garçonnet se retourna tout en courant et vint buter contre le vieillard.
Celui-ci, prévoyant, le plaqua avec ses mains et chuchota au garçon affolé:
 
"Ne dits rien; n'aie pas peur et laisse moi faire".
 
L'enfant était paralysé. Déjà le marchand était près d'eux.
 
"Espèce de voyou, malhonnête!" criait-il.
 
Il leva la main, mais le vieil homme s'interposa.
  
"Mais attendez bon sang".
 
Il baissa la tête vers le petit et dit à voix haute en lui faisant un clin d'oeil:
 
"Je t'ai déjà dit cent fois de payer quand tu prends quelque chose" Et relevant la tête vers le marchand: "Excusez-le mais je lui ai dit qu'on allait acheter un magazine et il n'est pas bien au courant de la façon de l'acquérir, il est encore très jeune. Tenez et excusez-moi encore".
 
Il tendit à l'homme deux pièces d'étain et une autre de tissu. C'était bien plus que le prix de la revue, et le marchand d'automne - qui ne tenait le kiosque qu'en cette saison - n'insista pas. Il repartit néanmoins en maugréant et en jetant des regards suspicieux au vieillard et à l'enfant.
Le petit garçon tenait le magazine droit contre lui, des deux mains, et regardait le vieil homme qui reprenait sa route.
 
"Hé m'sieur, merci m'sieur ! Heu ... pourquoi vous avez fait çà m'sieur?"
 
Le vieil homme s'arrêta.
 
"Et toi, pourquoi?"
 
Le petit garçon regarda parterre, l'air bougon, et haussa les épaules. Le vieil homme soupira.
 
"Trahit sua quemque voluptas".
 
Le petit garçon le regarda, l'air ahuri, comme s'il venait d'Arcanis.
 
"Quoi, qu'est-ce que vous dites?"
 
Le vieil homme sourit.
 
"Ah, ce n'est rien, je pensais tout haut. C'est une maxime de Virgile qui dit que chacun a son penchant qui l'entraîne. Cela veut dire que chacun fait les choses qui lui plaisent; mais ce n'est pas toujours bien tu sais, comme ce que tu viens de faire, surtout sans raison."
 
Le garçon pinça les lèvres en une drôle de mimique.
 
"Comment t'appelles-tu?"
 
"Thierry... - répondit l'enfant - et toi?
 
 - Anatole.
 
 - Anatole; comme l'âne?
 
 - L'âne? Quel âne?
 
 - Celui de la bande-dessinée ... Philémon ! C'est dans Pilote !
 
 - Ah bon! Et tu lis çà toi?
 
 - Ouais c'est super. Dis Anatole, c'est qui "argile"?
 
 - Pas argile, Virgile!
 
 - Ah c'est un de tes copains?"
 
Le vieillard se mit à rire.
 
"Oh, non ! C'est un monsieur qui existait autrefois, dans l'antiquité d'un monde parallèle".
 
Ils s’arrêtèrent quelques instants pour regarder une petite vieille qui faisait du patin à roulettes sur la grande place, tout en jouant au bilboquet. Son chapeau était couvert de boulons multicolores sur lesquels des lanières de neige s’agrippaient. Elle tournait assez vite, en poussant des petits gloussements de satisfaction à chaque fois qu'elle arrivait à rentrer le morceau de bois dans un des quinze trous de la boule.
Le vieil homme se tourna vers Thierry.
 
"Mais dis-donc, tu n'es pas à l'école?
 
 - Ca va pas non? C'est les vacances!
 
 - Ah. Et tes parents ne sont pas en vacances eux?
 
 - Non, pas maintenant. Mon papa travaille à l'Energie Du Futur et ma maman, elle fait des ménages.
 
 - Et tes copains?
 
 - Bof, eux ils sont partis en vacances; en colo !
 
 - Hum! Dis, tu veux manger une glace?"
 
Les yeux de Thierry s’écarquillèrent.
 
"Oh ouais, super !!!"
 
Un poisson volant passa tout près de leurs têtes quand ils entrèrent dans le salon de thé.
 
 
 
* * * * *
 
 
 
                Ils en ressortirent une heure après. Le regard de l'enfant brillait de plaisir. Il avait littéralement dévoré une de ces nouvelles glaces composées de trois boules au goût de foin coupé, transparentes comme du cristal.
 
"Bon, hé bien je vais rentrer; - dit Anatole - tu ferais bien d'en faire autant, ta maman va s'inquiéter."
 
Thierry regardait au loin.
 
"Bof, j'ai le temps tu sais. Hé, je peux aller avec toi un bout de chemin; comme ça, je verrai où tu habites."
 
Anatole acquiesça d'un signe de la tête.
  
"J'habite pas loin tu sais."
 
Il tendait le doigt vers une petite maison nichée au fond d'une impasse.
 
"Mais qu'est-ce que tu fais comme travail ?" demanda Thierry.
 
"Oh, rien. Je suis à la retraite maintenant. Alors je lis, je me promène...
 
- Ah! Alors je pourrai venir te voir demain ?"
 
Le vieil homme lui tapota la tête.
 
"C'est d'accord. Allez à demain."
 
Il regarda partir Thierry, sourit en haussant les épaules, et rentra chez lui.
 
 
 
* * * * *
 
 
 
L'enfant revint le lendemain et plusieurs fois les jours suivants. Il s'établit entre Anatole et Thierry une complicité de plus en plus grande au fil des jours.
L'enfant venait souvent en fin d’après-midi pour faire collation. Après ils allaient faire un tour dans le parc. Ils parlaient ... l'un de Virgile, l'autre de bandes-dessinées.
 
Thierry questionna Anatole sur son passé. Le vieil homme lui raconta comment il avait travaillé dans le boulonnage des arbres métalliques de la ville. Ensuite, à l'âge de trente cinq ans, il avait pris sa retraite jeunesse pendant dix ans, ce qui permettait à ceux qui n'avaient pas de travail de pouvoir prendre la place de ceux qui s’arrêtaient pendant quelques années.
Pendant cette période, Anatole avait effectué plusieurs voyages dans le monde parallèle et en avait rapporté quantité de livres et de souvenirs avant que le passage ne se referme; cela, depuis la dernière guerre qui avait ravagé en grande partie l'autre monde.
 
Plus personne depuis ces années n'avait eu la possibilité d'y retourner, car le gouvernement de Borisvianie en avait fait condamner l’accès.
Ensuite, pendant sa deuxième période de travail, le vieil homme avait écrit des articles dans la revue nationale en tant que scribain public et il avait pris sa retraite définitive depuis trois ans.
 
Un jour, Thierry lui demanda:
 
"Dis, toi, t'en as pas d'amis ?"
 
"Oh tu sais, ils sont morts maintenant. Et puis des amis, on en a pas comme çà. Tu as lu le petit prince ?"
 
"Attends, - lui dit Anatole - regarde!"
 
Il alla à sa bibliothèque et revint un petit livre à la main.
 
"C'est un livre que j'ai eu il y a quelques années dans cet autre monde dont je t'ai parlé. C'est l'histoire d'un petit garçon à qui il arrive plein d'aventures, et un jour il rencontre un renard qui lui dit ... qui lui dit ... ah voilà le passage : écoutes ..."
 
" S'il te plaît ... apprivoises-moi.
 
 - Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître.
 
 - On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez des marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoises-moi ! "
 
"Tu vois, l'amitié, c'est un peu comme Virgile a écrit de l'amour: Omnia Vincit amor. Cela veut dire que l'amour triomphe toujours."
 
"C'est pour ça que tu m'as aidé la première fois ? C'est parceque t'aime tout le monde ?"
 
"Oh non! Tu sais, on ne peut pas aimer tout le monde. Tiens, je te le prête" lui dit-il en lui tendant le livre.
 
 
 
* * * * *
 
 
Dans leurs promenades, il leur arrivait souvent d'aller au parc voir le montreur d'hologrammes. Il était toujours accompagné d'un bulleur qui n'avait qu'à souffler entre ses doigts savonneux. les bulles ainsi matérialisées, l’olographe imprimait des images à l'intérieur, par la pensée.
Ce jour-là, l’olographe ne vint pas. A sa place, il y avait un orgue de barbarie qui égrenait un air de musique moderne. Le jeune homme qui tournait la manivelle avec régularité semblait perdu dans ses pensées; il ne semblait pas voir sa compagne qui courrait dans tous les sens, ramassant çà et là les pièces d'étain que les gens leur jetaient.
Anatole et Thierry les regardèrent un instant, et reprirent leur chemin en direction de la maison.
La journée touchait à sa fin.
 
A quelques mètres de la petite impasse, ils entendirent un bruit derrière eux. Ils se retournèrent et virent deux hommes d'une trentaine d'années surgir d'une rue transversale en courant. Il était trop tard pour esquisser un geste; déjà les deux hommes étaient sur eux. Ils commencèrent à frapper Anatole tout en lui ordonnant de leur donner son portefeuille. Sous les coups, le vieillard tomba à terre; Thierry, en criant pour attirer l'attention, s'était accroché au bras d'un des deux hommes et essayait de le frapper pour que celui-ci lâche Anatole. L'homme se retourna et envoya rouler Thierry plus loin, avec violence. A présent, Anatole gisait à terre, et un des hommes lui fouillait les poches. Une fois l'argent pris, ils repartirent en courant; l'agression n'avait pas duré plus d'une minute, et personne dans le voisinage ne s'était manifesté.
 
Thierry aida Anatole à se relever et le conduisit à la maison en le soutenant. Le vieil homme se tenait le ventre en grimaçant.
 
Une fois chez lui, il ne voulu pas téléphoner au docteur. Il rassura Thierry en lui disant qu'il allait se reposer, que cela ne serait rien. Deux coups furent frappés à la porte qui s'ouvrit presque aussitôt. Une femme d'une quarantaine d'années se tenait sur le seuil. C'était la concierge de l'immeuble d'à côté qui avait entendu un bruit de lutte, et vu Anatole rentrer, soutenu par l'enfant. Elle dit à celui-ci de repartir chez lui, qu'elle allait appeler un docteur. Anatole reposait sur son lit; il avait l'air plus calme. Il dit aurevoir à Thierry, et ce dernier lui promit de revenir le lendemain, à la première heure.
 
 
 
 * * * * *
 
 
Quand Thierry arriva chez Anatole, vers huit heures du matin, les employés de l'Energie Du Futur commençaient leur tournée d'extinction des compteurs lunaires.
 
Arrivé à l'entrée de l'impasse, l'enfant s’arrêta net. Au fond de celle-ci un fourgon vert et bleu avec le symbole de l'éternité peint dessus, redémarrait de chez Anatole. Thierry en avait vu souvent de ces camionnettes et il savait à quoi elles servaient. A l'entrée de la petite maison, la concierge se tapotait les yeux avec un mouchoir. Prés d'elle, un homme habillé de noir, l'air docte, lui tendait un papier à signer. Le fourgon passa prés de Thierry qui le suivit des yeux.
 
Il aurait voulu crier, retenir le fourgon qui maintenant prenait de la vitesse et disparaissait au loin. L'enfant fit quelques pas dans la direction où le véhicule avait disparu. Il essuya les larmes qui coulaient sur ses joues. A présent, il restait là, les yeux dans le vague; il revoyait la silhouette d'Anatole s'avancer comme dans un brouillard. Il restait figé, se remémorant leur première rencontre...
 
Le vieil homme était parti comme il était venu, sans bruit; mais il y avait quelque chose de changé chez le petit Thierry. Il se dirigea vers le square, avec désormais la nostalgie de cette amitié accrochée au coeur, comme un petit morceau de soleil qui ne s'éteint jamais quand l'autre est parti.
 
  
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17 décembre 2006 7 17 /12 /décembre /2006 14:17
Il faisait bon dans la chaumière perdue en pleine campagne.
Le milieu du printemps était encore très rigoureux, mais le feu dans l'âtre apportait à la pièce une franche et bonne chaleur.
Le vieil homme se leva du divan où il s'était assoupi et alluma ce qu'on appelait autrefois la télévision. Son visage s'attrista en voyant déferler sur la plaque murale, les images de la guerre, les images de son monde qui s'écroulait. Le coeur serré, il éteignit. Les autres n'étaient plus loin; il n'avait plus besoin des moyens d'information nationaux.
Depuis le matin, en effet, il avait entendu les combats au loin.
 
Maintenant, il attendait ...
 
Il jeta un regard au dehors, sur le jardin où reposait sa femme depuis quelques mois. La croix celtique en pierre sous laquelle elle était ensevelie laissait passer à travers ses branches les derniers rayons du soleil. Il retourna au divan. Parmi quelques livres qui étaient posés sur le guéridon, il en prit deux. Le premier, "LES LARMES DE L'ETE", avait été écrit par Ariane, la femme d'un de ses amis. Le deuxième, bien plus ancien, avait été édité cinquante années auparavant. Sur la couverture jaunie par le temps, le visage d'un homme encore jeune avait presque disparu, mais on lisait encore en lettres blanches sur fond noir, le nom de l'écrivain : " Jean Mabire "; et en dessous, le titre en noir se détachait sur un fond rouge : "DRIEU PARMI NOUS". Il l'ouvrit à la page numérotée 170, et il lut :
 
" Il n'y a rien de plus fort que ce qui lie les hommes entre-eux au milieu du monde, au milieu des autres hommes. L'amour de ma patrie n'a rien à faire avec la dilection que j'ai pour ses paysages. Mais il est fait du goût de l'amour même et de la bonne chaleur que je sens au milieu de certains. Pour pouvoir faire des plaisanteries obscènes, parler des femmes, de la guerre que nous avons faite, je suivrais ces hommes dans un autre astre ".
 
Ses yeux bleus se portèrent sur la page suivante :
 
"... Nous retrouvons " cette soudaine puissance qui jaillit d'un cercle d'hommes". Drieu nous le dit : " Pour faire une amitié il faut désirer ensemble quelque chose qui nous dépasse". Mais quelle..."
 
Sa lecture fut interrompue. La porte s'ouvrit avec fracas.
 
Il n'avait pas entendu les Jeeps arriver.
Mais dès qu'il vit le grand noir en uniforme américain qui se tenait devant lui, le M16 au bout des bras et le sergent russe qui se tenait dans l'embrasure de la porte, il comprit...
Les russes et les américains avaient fait la jonction deux jours auparavant à une centaine de kilomètres de là. La guerre qui avait commencé un mois plutôt n'avait pas été déclarée, et la surprise avait été totale.
 
Les deux soldats ricanèrent.
 
Devant les yeux clairs du vieux, défilèrent les images des vingt dernières années. Depuis 1998, date à laquelle l'Europe était devenue réalité politique, militaire et économique, une époque de paix et de prospérité avait régné sur le vieux continent aux traditions séculaires enfin renouvelées, en pleine osmose avec sa technologie.
 
Le noir leva son arme.
 
Qu'elle était grande cette Europe, à l'image d'une belle femme ! Fière et provocante, épanouie et pleine de vigueur, moderne, elle se dressait entre les deux blocs matérialistes; l'un capitaliste, l'autre à nouveau communiste, tous deux décadents.
Ces deux grands charognards ne pouvaient plus supporter cette Europe libre; cela, le vieil homme l'avait vu pendant de belles et longues années.
 
Le sergent russe aboya un ordre. L'américain épaula.
 
La vie continuait de danser devant les yeux du vieil homme. Les soirées autour des feux de camp, les solstices, les rires des femmes, les jeux des enfants, la famille, l'amitié, l'amour, les combats; tout cela, il le revivait en quelques secondes. Toutes ces années de bonheur et d'allégresse...
  
L'américain pressa la détente.
 
Une douleur cisailla le vieil homme à la poitrine. Ses yeux se remplirent de lumière. Un filet de sang rouge coula de ses lèvres. Son vieux monde disparu.
  
Ils brûlèrent la maisonnette et rasèrent la campagne environnante.
 
Le vent emporta la fumée vers la forêt norroise.
 
 
* * *
 
L'avancée des charognards fut stoppée quelques jours plus tard sur tous les fronts, grâce à un sursaut populaire qui, la première surprise passée, fit refluer l'ennemi bien au-delà des frontières.
L'Europe avait encore de belles et longues années à vivre.
  
 
 
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17 décembre 2006 7 17 /12 /décembre /2006 14:10
ARCANIS 3097. Page blanche...
 
Dire qu'il y a deux mille ans sur cette planète, les habitants avaient de l'air à profusion quand elle s'appelait encore la terre.    Enfin.
 
Page blanche ... manque d'idées !
 
Je me nomme GORLE et je suis scribain public; c'est une sorte de condensé de ceux qu'autrefois on appelait journalistes, écrivains et historiens. Je me replonge dans cette époque en ... ah oui! 1988 ... j'ai visionné plusieurs fois de la documentation de cette année-là à l'antiquivothèque il y a deux semaines. Mais maintenant j'ai épuisé mon crédit. Il ne me reste plus que dix mille kersans pour ma réserve d'air et mes pilules de nourriture.
 
Page blanche ...
 
Qu'est-ce que je vais pouvoir raconter ?
Cette  appellation de scribain public a le don de sauver les apparences car il n'y a plus rien à raconter au peuple d'ARCANIS puisqu'il ne s'y passe plus rien. D'ailleurs, les seuls faits-divers que je pourrais mettre en forme me viennent du comité; et depuis un mois je n'en reçois plus. Heureusement que j'ai un fixe pour me payer l'air. Je sors. Il faut que je retourne à l'antiquivothèque.
 
 
* * *
 
 
En fait, j'y retourne plus pour passer un bon moment en me replongeant dans le passé, que pour y trouver l'inspiration ... mais qui sait ?
Au point où j'en suis; si je n'ai pas quelque nouvelle à présenter au comité avant quelques jours, je n'aurai plus assez de kersans pour me payer de l'air.
 
Il est dix-huit bacrons quand j'arrive devant l'antiquivothèque. L'entrée du bâtiment en verre peint me parait toujours aussi laide. Une fois la porte franchie, je me dirige vers le sas de contrôle. N'importe qui ne peut s'introduire dans le bâtiment. Son accès n'est réservé qu'à une petite minorité de personnes de la cité : dirigeants, ingénieurs, scribains publics; en tout, environ trois mille personnes sur les dix millions d'habitants de la ville. Je suis en somme une sorte de privilégié; privilège qui me vient en fait de l'utilité de mon travail pour la "société".
 
Je pose ma main sur l'emplacement prévu de la console de contrôle pour payer l'entrée. Deux mille kersans pour une heure. Tant pis pour la nourriture. Je sens la chaleur du rayon qui balaye ma paume pour me retirer le crédit imprimé dans la main. Le sas se referme et je m'avance vers la plaque d'identification.
   
Une voix métallique venue d'un haut-parleur, crache :
 
" Identification ! "
 
" GORLE. Agent 2012. Citoyen A.Y. 37126. "
 
Le haut-parleur me répond en écho :
 
" GORLE. Scribain public. Accès autorisé. "
 
Je m'avance vers le tube élévateur. Une fois sous le globe, je commande: " Niveau 228. " Je me sens aspiré aussitôt et quelques secondes après, la plate-forme du niveau 228 se matérialise sous mes pieds. Je m'avance dans le corridor vert fluorescent qui débouche sur une salle immense, et je me dirige vers un caisson de lecture.
 
Une fois à l'intérieur, après avoir choisi la date de l'époque à visionner, je mets le casque et je ferme les yeux. Les images commencent à défiler dans ma tête ... 1988 : quelles drôles d'architectures; très laides et primitives pour la plupart, mais beaucoup sont différentes de hauteurs et de formes.
C'est comme les habitants; aucun n'a le même visage. Maintenant sur 
ARCANIS, il n'y a que dix sortes de " modèles " et quand on s'élève dans la hiérarchie, on en change suivant le travail et la responsabilité de chacun dans la société.
 
C'est quand même incroyable cette multitude de visages qu'il y avait il y a deux mille ans. C'était la diversité des gens, des ethnies et des races qui poussait à la connaissance et à la compréhension des uns et des autres; ce qui amenait à l'échange d'idées et à la création. Mais c'est pourtant à cette époque que l'on commençait à parler " d'intégration " pour certaines races sous prétexte d'antiracisme.
Étranges phénomènes. Il était paradoxal de voir certaines personnes qui disaient aimer et respecter les races, de vouloir à tout prix les voir se mélanger et se fondre en une seule, comme dans un moule; pour pouvoir mieux les contrôler, comme un certain HITLER, quelques années auparavant ?
 
Jusqu'à cette époque, la vie et la création qui existaient alors dans des domaines comme le cinéma, la musique, le sport, la littérature, le domaine scientifique, était presque à son apogée mais portait déjà en elle les germes de son déclin. Mais cela, personne ne le savait encore.
 Ensuite, vers 2063, vint ce que l'on appela l'uniformisation. Plus que d'être tous frères, ils fallait maintenant qu'ils deviennent égaux.
Les gouvernements mirent les scientifiques à contribution et, par manipulations génétiques, ils parvinrent en une dizaine d'années à avoir une palette de visages identiques d'une dizaine de sortes. Ce n'est que vers 2091 que commença le processus dit de normalisation. Il portait sur la couleur que tout le monde devrait avoir; il fut décrété que ce serait le vert.
Ce qu'il fait que maintenant sur ARCANIS, il y a huit milliards d'habitants répartis en 7000 villes, tous verts, avec seulement dix types de visages différents.
Moi-même, j'appartiens à la classe 4 dans l'échelle sociale.
 
Parallèlement, il n'y a plus de créations, plus de sports, plus de héros; bref, tout ce qui différenciait les humains les uns des autres. Et, évidement, plus d'amis ni d'ennemis, car nous sommes devenus tous pareils.
La population d'ARCANIS ressemble à certains films de cette époque où il y avait ce que nos ancêtres les terriens appelaient des ... robots.
 
Les images des années 80 continuent de défiler dans ma tête. Il s'en passait des choses en cette époque : guerres, fêtes, amours, créations ...         Mais qu'est-ce que je vais bien pouvoir écrire ? Sur ce sujet qu'est devenue la terre, nous n'avons plus l'espoir d'un futur. Nous autres, scribains publics ne pouvons pas nous servir du passé pour en parler, car certains de nos dirigeants y voient des éléments réactionnaires et individualistes qui seraient de mauvais exemples pour la masse. Il ne faut plus faire penser le peuple, il faut le faire écouter.
C'est la loi depuis des siècles.
 
J'arrache le casque de ma tête. La transpiration coule le long de mon dos.
 
 
* * *
 
 
Déjà, je suis au dehors de l'antiquivothèque. Le froid me fouette le visage; je prends une profonde inspiration. A ce rythme, je vais vider mes bouteilles en un temps record. Je m'assieds sur un banc dans le jardin communautaire. L'herbe est d'un rouge magnifique et les fleurs métalliques et boulonneuses peintes en jaune fluo, rivalisent de beauté avec les arbres aux tuyaux entremêlés.
Un couple de classe 7 passe devant moi en tenant un petit garçon par la main. Il n'a pas encore cinq ans, car il porte une bulle en verre sur la tête. Plus tard, quand il sera grand, il pourra apprendre à respirer avec le masque. Plus tard ! Plus tard ... quel avenir ? Il faut que j'arrête de chercher une nouvelle basée sur ce sujet. Il y a bien longtemps que le thème a été épuisé.
 
Je me lève et traverse le jardin en direction du bloc dortoir numéro 312 aux dimensions imposantes; près d'un kilomètre carrés sur cinq cent mètres de haut.
La journée est déjà bien avancée car les deux soleils commencent à décliner. Je ne sais plus lequel des deux est apparu au dernier millénaire, mais cela n'empêche pas le froid d'être toujours aussi vif.
 
Une fois entré dans le sas de mon appartement et après l'avoir rempli d'air, j'enlève mon masque à oxygène.
 
Je me retrouve devant la page blanche de ma scribochine. Je mets celle-ci en marche ; ma décision est prise. A voix haute, je me mets à raconter tout ce que j'ai vu sur les années quatre-vingt. Au fur et à mesure du récit, la scribochine enregistre mes paroles et les imprime sur la page. Deux heures durant, les siècles et les millénaires passés, défilent sur la machine. La page se déroule en un long serpent agité de soubresauts au fil de l'impression.
 
Une fois mon récit terminé, je me sens vide. Je reste prostré, fixant les dix-sept mètres de papier crachés par la scribochine qui jonchent le sol. Que vais-je en faire ? Machinalement, je roule la feuille et la cache dans un coin du caisson-lit. Je verrai plus tard comment l'exploiter.
Pour l'instant, il me faut travailler. Mais écrire quoi ? Comme le gouvernement ne me donne plus d'informations à publier, il va falloir spéculer sur l'existence d'autres mondes, des mondes extra-arcaniens peuplés de méchants individualistes qui seraient prêts à nous envahir, et à mettre notre civilisation en danger.
Oui, en voilà une bonne idée ! c'est cela que je vais ...
 
"............. Citoyen .......... A.Y.37126. ....... Rendez-vous .. immédiatement ..... au .... centre .... administratif .............. N° 72....."
 
Dans le haut parleur, la voix a claqué comme un ordre. Je mets mon masque à oxygène et je m'apprête à sortir. Dans le sas, quelques hommes de classe 3 m'attendent. Ils m'annoncent qu'ils ont ordre de m'accompagner au centre. Quelques-uns d'entre-eux restent à mon appartement.
 
 
* * *
 
 
" Mon cher GORLE ! Permettez-moi de vous appeler GORLE, agent 2012. " Le petit homme joue les affables, me parle avec condescendance; cela ne lui va pas.
  
" Mais asseyez-vous, asseyez-vous. Cela fait un moment déjà que nous n'avions pas eu besoin de vos services. Vous vous en étiez rendu compte, n'est-ce pas ? C'est que, depuis quelques temps, vous avez fait beaucoup de visites à l'antiquivothèque; les membres de recherches et d'intervention de classe 3 nous l'ont signalé. Il est vrai que vous y avez accès pour vos travaux, mais il semble que ces temps-ci, vous faites une obsession sur les années dites du deuxième millénaire. "
 
Il marche de long en large, les mains derrière le dos, l'air suffisant. Je me tais, préférant attendre de savoir où il veut en venir. Les hommes de classe 3 qui étaient restés chez moi viennent de revenir et tendent au petit homme le rouleau que j'avais caché avant leur arrivée. Celui-ci revient vers moi et pose le rouleau sur son bureau.
 
" Savez-vous mon cher GORLE ce qui c'est passé au début du siècle, en 3007 ? " Je réponds machinalement : " Non. Vous le savez bien, les archives des 500 dernières années sont classées top-secret et personne n'y a accès ; à part ceux de la classe 1. "
 
Il secoue la tête, et se tourne vers moi en riant.
 
" En effet mon cher GORLE. Ceux de la classe 1, et quelques ... privilégiés de la classe 2, dont je fais partie. Voyez-vous, au début de ce siècle, quelques-uns de nos savants ont réalisé des implants de contrôle de pensées sur des cerveaux humains.
Et depuis, à chaque naissance, un implant est apposé à chaque nouveau né ... cela fait trente-six ans que vous en portez un. Oh bien sûr, nous ne pouvons pas encore contrôler tout le monde en permanence, mais les intervenants de la classe 3 sont là pour nous signaler les comportements anormaux ... comme vos visites trop fréquentes ces derniers temps à l'antiquivothèque. Alors nous nous sommes branchés sur vous; et ce que nous avons lu dans vos pensées aujourd'hui ... Oh mon cher GORLE ... va nous obliger à nous séparer de vous, citoyen A.Y.37126."
 
Il a sifflé la dernière phrase entre ses dents; ses yeux deviennent porcins. J'essaye de me lever, mais déjà, les intervenants m'immobilisent sur le siège. L'un d'eux me fait face, et m'arrache mon masque à oxygène.
 
Je commence à suffoquer, ma vue se trouble. Un voile noir se forme devant mes yeux, et, comme dans un rêve, j'entends le petit homme crier :
" Le peuple ne doit pas penser, il doit écouter; il doit écouter ... écouter ...   écou ... "
 
 
 
  
 
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